Trop courte a été l’AG des 25 ans d’ASPAL.... Elle a aussi été trop courte pour évoquer ses 25 ans d’histoire riche de l’action de ses membres et aussi pour parler de celui qui en a été l’initiateur : Michel Guilbard.
Michel était originaire des Deux Sèvres, issu d’une famille paysanne dont il était le sixième des douze enfants Tout jeune, il s’engage dans la JAC, il deviendra Secrétaire Général du MRJC en 1965. En 1966, il part pour trois ans en Argentine dans le cadre du MIJARC, comme conseiller pour aider à l’organisation d’un Mouvement pour les jeunes paysans. Il s’engage à fond dans le MAM (Mouvement des Agriculteurs de la région de Missionés). Il se marie, acquièrt la nationalité argentine et poursuit son action avec les paysans jusqu’à ce que la dictature des Généraux le jette en prison. Il y restera quatorze mois. En France, ses amis écrivent et pétitionnent pour sa libération.
Nous sommes en 78, Michel est libéré et expulsé. Il revient en France où le feu qui l’habite l’empêche de se réfugier dans une vie tranquille. Il sillonne le pays, à l’invitation de ses amis où publiquement, il explique le drame des paysans d’Amérique Latine. Il ne fait pas de sentimentalisme, il se bat pour la justice et la dignité des plus pauvres. " Il faut (dit -il) aider les paysans d’Amérique Latine, non en faisant la quête mais en leur permettant de vivre dans la dignité du fruit de leur travail. » Toutes les bases du commerce équitable étaient jetées.
C’est ainsi qu’en 79 naît l’ASPAL (Association de Solidarité avec les Paysans d’Amérique Latine) Plus tard avec l’élargissement de l’action , "Peuples" sera substitué à "Paysans". Michel consacre bénévolement à l’ASPAL une grande partie de son temps, alors qu’il n’a pas de revenu et trois enfants à charge. Pour faire face, il importe et vend des peaux et cuirs en provenance d’Amérique Latine, afin de d’assurer ses moyens de subsistance. Cela durera cinq années au cours desquelles Michel déploya, tant pour l’ASPAL que pour son entreprise, une énergie sans relâche. Cependant, il ne pourra éviter la chute de celle-ci ce qui le conduira à regagner l’Argentine.
Là-bas, il va retrouver ses amis paysans du M.A.M Il va se lancer à corps perdu à leur côté dans le combat pour la justice, la liberté et la dignité. Infatigable, il se donne, s’oubliant, même après une alerte cardiaque, il continue...Mais ce mercredi 16 avril 2003, quatre jours avant Pâques, Michel quitte les siens à 62 ans.
Pour évoquer le sens de sa vie, je laisse place à quelques extraits de ce que sa fille Gabrielle qui l’avait rejoint en Argentine, écrivait après son décès.
" . . .Si vous ne vous en étiez pas aperçu en lisant tout ça, c’était mon idole, mais je n’ai pas rêvé. Toutes les personnes qui nous ont témoigné leur peine ce mercredi 16 avril ont dit la même chose de lui. Pour moi, vivre auprès de lui a été un rêve éveillé fantastique !!! Michel était un "mec" qui a toujours lutté pour rien de moins que la justice et la dignité, et rien ne l’a fait lâcher cet objectif. Il n’a pas dit au revoir mais il n’aurait pas toléré d’être dépendant pour vivre. . . Pour finir, je voudrais vous réconforter un peu dans cette douleur. Chaque religion a sa philosophie sur la vie. Celle du MAM est celle de "la lutte pour mieux et pour tous" comme beaucoup de "révolutions" qui se sont faites de par le monde. Elle se mène avec amour et par amour aux autres, décidée et dure, avec le Coeur et surtout avec le sourire pour montrer que rien ne nous écrasera et ne nous fera lâcher. Les "ennemis" ne nous auront pas ! J’aimerais que vous vous souveniez de ça, parce que c’est ce qui me fait tenir aujourd’hui, cette attitude que papa montrait dans l’adversité et qui le fera rester vivant. Je suis heureuse et orgueilleuse d’être une de ses filles et de suivre ses traces dans la construction d’un monde meilleur. C’est "Un Balèze au coeur tendre", il avait la larme facile, comme tous les grands révolutionnaires. Il reste très présent dans le coeur des gens d’ici. . . "
Yves Manguy. Aspal Infos n°46. France. Septembre 2004.